Le conseil de la vie sociale - Pour quoi faire ? Quel est le sens du CVS ?
Le « Vivre ensemble » jusqu’au bout de la vie : être citoyen et exercer sa citoyenneté
Obligation, certes, le conseil de la vie sociale est aussi et surtout un outil au service de la structure et de son évolution qui permet de ne pas perdre de vue la raison d’être de l’institution.
Etre citoyen, exercer sa citoyenneté le peut-on jusqu’au bout de la vie, quel que soit son état de santé et quel que soit son mode de vie ?
L’institution est un lieu où l’espace entre la sphère privée et la sphère publique est ténue et en même temps l’institution se doit d’être garante du respect du privé et de l’intimité de ses résidents comme du respect de leurs droits et de leurs devoirs.
Le droit à l’intimité, le besoin d’intimité, le droit à l’expression citoyenne et le besoin d’expression citoyenne constituent une alchimie personnelle dont chaque individu a besoin.
L’expression est un droit et la parole, qu’elle soit écrite ou orale, est un des fondements du lien social et de la solidarité.
Pour que des liens aux autres existent jusqu’au bout de la vie, il faut aussi qu’un lien positif à soi-même persiste, l’équilibre est fragile et l’institution doit veiller au maintien de cet équilibre.
Des textes fondamentaux nous rappellent la règle et nous permettent d’identifier et de poser les axes qui doivent servir de base à notre réflexion dans la mise en œuvre de cette instance institutionnelle qu’est le CVS.
Ces axes sont les suivants :
• la nécessaire séparation des sphères privées et publiques,
• la nécessité de combler les besoins élémentaires pour pouvoir accéder à la citoyenneté,
• que le projet commun et construit au sein de la sphère collective donne le sens à la vie.
Ces trois visions de la citoyenneté nous apportent une sorte de boussole qu’il faudra adapter à nos réalités de terrain. Pour les résidents par exemple, l’établissement, constitue le premier cercle de la « cité ».
Autrement dit, pour reprendre ces trois axes et les appliquer à la vie en institution :
• la nécessaire séparation des sphères privées et publiques démontre bien, au sein de l’institution, la nécessaire capacité d’abandonner la réclamation personnelle pour se hisser au niveau de l’intérêt collectif,
• la nécessaire capacité, posée comme pré-requis, de ne pas s’abriter derrière des pseudos besoins élémentaires (pyramide de Maslow), aujourd’hui généralement comblés dans les établissements, pour évacuer les sujets essentiels,
• que le projet collectif et l’intérêt commun sont les vecteurs qui donnent corps au sens de l’existence.
Pour rappel, que nous disent ces textes fondamentaux ?
Etre citoyen c’est être « intégré dans la cité » et, ensuite, « pouvoir influer sur son devenir » affirme Tocqueville
Dans le concept français de citoyenneté, l’individu cesse d’être un individu concret. Lorsque qu’il s’est ainsi arraché à ses enracinements, il peut enfin communiquer sur un pied d’égalité avec le reste de la communauté. L’individu lui-même, à partir du moment où il est citoyen, cesse d’être l’individu en tant que tel avec des origines sociales, avec une religion et un déterminisme. Et c’est précisément cet arrachement qui va lui permettre de se transcender et de faire évoluer la cité. L’ambition est à la fois très intéressante et fondatrice de notre modèle républicain. Cette notion sous-tend deux idées : en premier lieu, l’acceptation de la différence dans l’universalité et, en second lieu le rôle de citoyen basé sur l’exigence et la responsabilité de chacun.
Hannah ARENDT fait une analyse très intéressante de la conception et de l’élaboration de la citoyenneté dans la cité grecque. Elle dit très précisément que l’expérience politique grecque repose sur la distinction radicale entre la vie privée et la vie publique. Cette vie privée s’organise exclusivement dans la maisonnée tandis que la vie publique, elle, va toujours se dérouler en dehors de la maisonnée. Mais cette liberté qui va permettre d’accéder à la vie publique va passer, dans un premier temps, par la vie privée. C’est en effet par la satisfaction des besoins vitaux ou fondamentaux que l’individu, qui n’est pas encore un citoyen, va pouvoir accéder à la citoyenneté et s’intégrer dans la « polis », la cité, pour pouvoir jouer un rôle.
Pour les Grecs, la vie personnelle reste toujours très fragile et imprévisible. Et dans cette dualité entre vie privée et vie publique, c’est finalement la vie publique qui remédie à cette fragilité au travers de l’organisation sociale de la cité, d’une mémoire organisée et d’une histoire politique commune. A l’intérieur de cette vie publique, le citoyen va se confronter à l’autre dans un débat positif, Il va être obligé de se dépasser, il en sortira grandi. Enfin en co-élaborant au sein de la cité sur son organisation, il devient une parcelle de celle-ci et par là même laisse quelque chose de lui à la postérité.
Pour conclure et comme l’affirme G. Laroque dans un édito de Gérontologie et société consacré à la citoyenneté :
" Chaque individu naît citoyen et le demeure jusqu’à sa mort, quels que soient son état physique, psychique, affectif ou social, quels que soient son âge, son sexe, quelles que soient les différences qu’il présente dans n’importe quel domaine avec ces congénères humains…./
Si la philosophie qui inspire la société des hommes est fondée sur la dignité intrinsèque de l’appartenance à l’espèce humaine, alors, tout simplement, ces grands infirmes du corps, de l’esprit sont reconnus pleinement citoyens. C’est minutieusement que leur liberté doit être respectée et la protection de ces conditions d’exercice adaptée. Nos lois tendent de plus en plus vers cette sauvegarde. C’est obstinément que leur égale dignité doit les faire respecter jusque dans chaque détail de l’existence, où que ce soit. La mise en œuvre de cette liberté et de cette dignité n’est possible que par la concrétisation de la fraternité moderne, cette solidarité intime comme publique, spontanée ou organisée qui, seule peut leur apporter aide, soutien, soin, compensation, sans condescendance ni dédain."
(Laroque G. Edito, Gérontologie et Société N°120, FNG, 2007)