Directives anticipées : 83% de personnes de plus de 75ans disent ne pas être intéressées par le concept, selon une récente étude
La vie qui reste est au coeur des préoccupations
La loi du 22 avril 2005, dite « Loi Leonetti » sur la fin de vie et les droits des malades a introduit pour tout un chacun la possibilité de rédiger des directives anticipées. Une récente étude réalisée par le Centre d’éthique clinique de l’hopital Cochin (CEC) révèle que les plus de 75 ans marquent leur désintérêt pour ce concept. 90% disent ne pas le connaître et une fois informés disent qu’ils ne s’en saisiront pas.
Ne se sentant ni vieux ni malades leurs préoccupations se portent avant tout sur le sens de la vie qui reste et non sur le sens de la mort.
Le concept de « directives anticipées » vise à ce que la personne malade ou non écrive ce qu’elle attend de la médecine dans le cas où elle ne serait plus en état d’exprimer sa volonté. Dans sa décision, le médecin doit davantage tenir compte de ces directives que de l’avis de la personne de confiance ou des membres de la famille. Ce dispositif est au service de l’autonomie du patient.
L’objectif de l’étude était de connaître l’avis des personnes de plus de 75 ans sur ce dispositif et ce qu’ils ont à dire sur leur fin de vie et les conditions de leur mort.
Elle a été menée sur un échantillon (42% homme, 58% femmes) très diversifié dont l’âge moyen se situe a 83,6 ans : personnes en bonne santé, personnes gravement malades, ou moins malades mais nécessitant une aide quotidienne à domicile, personnes sur lesquelles un diagnostic Alzheimer avait été récemment formulé et personnes résidant en de maison de retraites. A l’échantillon de départ constitué ont été rajoutés des adhérents à l’association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) qui justement anticipent et organisent les conditions de leur mort.
Toutefois, l’échantillon constitué de personnes de plus de 75 ans dans un recrutement exclusivement parisien ne peut être considéré comme représentatif de l’ensemble de population.
Les entretiens d’environ trois quart d’heures, toujours menés par au moins deux membres du CEC ont permis l’exploration des thèmes suivants : Quelle perception de leur vieillesse et de leur état de santé ? Quelle connaissance des directives anticipées ? Intérêt pour ce concept ? Quel contenu s’il fallait en écrire ? Quelle conception du temps qui reste ? (vie en maison de retraite, perception de la « dépendance ». Quelles attentes vis-à-vis de la médecine (douleur, confiance) ? Quelle préparation à la mort : testament, obsèques ? Quelle place pour la religion vis-à-vis de ce thème de la mort ?
LES DEUX TIERS DES PERSONNES INTERROGEES NE S'EXPRIMENT PAS SUR LEUR MORT
La préoccupation la plus forte des personnes interrogées concerne le sens de la vie qui reste et non le sens de la mort. 70 % ne s’expriment pas sur leur mort. 40% ne répondent pas sur « euthanasie » et 40% de ceux qui s’expriment sur ces sujets sont contre une loi. Le tiers du groupe ADMD aussi s’y refuse ou ne souhaite pas de changement de la législation en vigueur sur le sujet.
Mais 10% des interrogés s’expriment dans le sens d’ »une aide active » à mourir (60% des adhérents ADMD). Ils voudraient que les médecins puissent délivrer la mort en toute fin de vie, comme si cela faisait partie de leur fonction naturelle. Il ne s’agit pas de l’aide à mourir telle que légalisée dans d’autres pays. Anticiper la mort pour éviter la déchéance est rarement évoqué dans l’échantillon étudié.
Seul 10% de la population enquêtée est apparue au-delà des préoccupations explorées par cette enquête, pour 75% des femmes de plus de 88 ans qui soit malades d’Alzheimer soit en maison de retraite, semblant attendre la mort et n’ayant plus les moyens éventuels de la demander.
Le peu d’intérêt, porté au concept de directives anticipées soulève plusieurs questions et hypothèses. Est-ce un concept trop récent ? Est-ce l’effet génération ? La génération interrogée est respectueuse du pouvoir et du savoir médical indique le CEC. Est-ce l’effet âge ? Ne penserait-on pas à sa fin de vie de la même façon à partir d’un certain âge ? S’interroge-t-il aussi. Enfin le peu de succès rencontré par le concept de directives anticipés dans les pays anglo-saxons après 20 ans de pratique peut également le laisser envisager, signale enfin le CEC.
LA REDACTION DES DIRECTIVES ANTICIPEES INTERVIENT LORSQUE LE "CURSEUR" NE PEUT PLUS ETRE DEPLACE
Les 20 % de personnes interrogées intéressées par les directives anticipées ou qui en écrivent ou veulent en écrire, justifient bien la conservation de ce dispositif. De plus des personnes se disent prêtes à écrire des choses concernant leur fin de vie dont elles pensent qu’elles ne relèvent pas de directives anticipées mais qui selon le CEC en sont bel et bien : ‘Je veux de l’acharnement thérapeutique », « Je ne veux pas d’arrêt d’alimentation et d’hydratation ; « Je veux donner des directives de vie : surtout jamais de maison de retraite.
Il est à noter que la qualité de vie ressentie par les personnes âgées est une question de « curseur » qui peut se déplacer à mesure que les pluri-mini handicap augmentent. Parvenus à un certain stade d’incapacité, ceux qui ne souhaitent plus déplacer le « curseur » sont ceux qui écrivent des directives anticipées.
Le CEC estime, en conclusion de l’étude, que de façon générale la plupart sont intéressés par une discussion libre sur ce sujet de la fin de vie. Un sujet qui à l’évidence habite les pensées des personnes de cet âge. Les occasions d’en parler dans l’entourage semblent rares : proches et médecin n’apparaissent pas être les mieux placés. Les personnes interrogées, signale le CEC, ont signifié qu’elles étaient heureuses de l’occasion qui leur était offerte de pouvoir en parler à voix haute, sans enjeu. Sorte de libération et en même temps test de leur position actuelle sur le sujet.
Ainsi le CEC suggère que soit systématiquement proposé un entretien aux personnes âgées avec un tiers à un moment clé de leur histoire de vie : entrée en maladie chronique ou entrée en maison de retraite, la discussion portant sur le sens du temps qui reste à vivre et dans le souci du maintien de la qualité de vie existante.